12 août 2005

La sorcière chagrine (bis)

Jeudi, jour de paie et après deux semaines de dur labeur (!), je me suis gâté. Directement d'un Bureauphile encore tout chaviré par un réaménagement en cours, je me suis procuré plusieurs pinceaux et de l'encre de Chine. Après ces achats, Arrivé chez moi, j'étais excité comme un petit garçon ayant reçu un nouveau jouet. Je me retrouvais dans mon enfance en fait, car si ma mémoire est bonne (chose qui est loins d'être assurée), je n'ai pas touché à de pinceaux (hormis pour occuper une activité très adulte, c'est-à-dire banalement repeindre en une seule couleur de grandes surfaces de murs), je n'ai pas, dis-je, utilisé de pinceaux dans une intention véritablement créatrice depuis la maternelle. Suite aux frustrations issues de l'utilisation d'un stylo-bille pour l'encrage de ma bd érotique, après consultation auprès d'Internet, il m'est rapidemment apparu que le pinceau était LA solution magique pour un rendu de qualité.

yeux au pinceau
texte au pinceauAprès m'être Une fois confortablement installé avec tous mes outils, ma main gauche entreprend avec fébrilité la découverte de ce médium. Je prends un pinceau -- le plus fin --, le trempe légèrement dans l'encre et m'applique à dessiner un contour féminin. Aïe! Le trait est d'une épaisseur improbable. Patient, je recommence, trace quelques lettres: c'est avec peine qu'on peut lire ce qui est écrit. Inquiet, je m'essaie avec un crâne, forme dont je maîtrisais le dessin avec brio lors de mon adolescence; peine perdue, le résultat est affreux. Je dépose alors le pinceau devenu source d'illusions: criss de marde! Débordant d'un optimisme stupide quelques minutes plus tôt, me voilà amèrement déçu.

N'appréciant guère la déception, surtout pas de moi-même, je me ressaisis. J'admets avoir été particulièrement con en pensant qu'il suffisait d'avoir les bons outils entre les mains pour créer un «beau dessin», une belle courbe, une silhouette excitante. Pour y arriver, ça demande du putain d'effort, et surtout, du travail, mon ennemi juré. [Soit dit en passant, effort n'est pas synonyme de travail...]

C'est l'orgueil qui m'a sauvé. Malgré ma paresse légendaire, je n'arrive pas à admettre que je sois incapable de faire quelque chose. Lorsque je bute sur un obstacle, je lâche un gros soupir et quelques sacres bien placé, je rechigne et rouspète, et devient subitement laborieux. Bref, je me mets à griffonner toute la soirée, je souille une grande quantité de feuilles, pour en arriver enfin à ça:
oeil au pinceau
Ce n'est pas un chef-d'oeuvre, mais ça m'a permis de retrouver ma confiance en moi. Une fois l'essentiel retrouvé, j'ai pu véritablement créer. Voilà la longue genèse de mon premier véritable dessin à l'encre Chine. Celui-ci est inspiré Il est tiré d'une scène qui me hante depuis que j'ai écrit mon conte de la sorcière chagrine. Ma première intention était de m'inspirer du sensuel conte de CindyBi, mais je me suis laissé tenter par la facilité.
le conte de la sorcière chagrine

10 août 2005

La sorcière chagrine

Toujours pour Coïtus Impromptus.

Il était une fois un village qui s'activait hardiment pendant la saison de la moisson. On put voir aux portes de ce village, lors d'un de ces jours de fin d'été qui font violemment place à la nuit, un grand feu crépitant joyeusement. Tapies parmi les ombres immobiles formées par les villageois entourant cette ardeur, une jeune femme accompagnée d'une autre beaucoup plus âgée, toutes deux encapuchonnées, regardaient l'enfer s'ouvrir devant eux.

Quelques larmes coulèrent sur les joues de la cadette. Les narines humides, elle renifla bruyamment.

«Petite sotte ! lui chuchota avec sévérité la vieille femme en lui serrant douloureusement l'avant-bras. Tais-toi et regarde. Apprends à dissimuler tes larmes si tu veux vivre et surtout, regarde et souviens-toi !» Ses prunelles sombres, qui ne quittaient pas un instant la scène morbide, brillaient follement au contact du reflet des flammes.

La jeune femme s'essuya discrètement le nez avec le lourd tissu funèbre qui lui couvrait la tête et les épaules. Elle releva le visage et ses traits, maintenant visibles sous la candeur de l'incendie mortel et encore empreints d'une juvénile insouciance quelques instants plus tôt, se durcirent à jamais.

«N'ayez crainte, ma tante, pensa-t-elle silencieusement puisqu'elle ne devait pas parler. N'ayez crainte : je me souviendrai pour toujours de cette nuit où j'ai vu ma mère mourir sur le bûcher.»

Exercice de style --> bd

Pour mon simple plaisir et pour rendre mon temps encore plus improductif, je me suis amusé ces derniers jours à dessiner une bd -- petits dessins de rien du tout que j'ose, ici, de soumettre publiquement. Il faut voir cette bd comme un exercice de style, un premier exercice de ce genre, une tentative exploratoire. Et j'ai tellement aimé l'expérience que je compte continuer, m'améliorer, persévérer (malgré que ce mot m'horrifie); bref, je m'amuse à penser que j'en ferai un hobby, un passe-temps qui chasse les ennuis et les soucis, une pirouette imaginaire me permettant d'encore mieux déconnecter de ce magnifique monde dans lequel nous vivons.

Soit dit en passant, cette bd est éroootttiiiquue, wouai [oui avec un accent pervers]. Vous comprenez mieux maintenant la source du plaisir que j'ai eu en la dessinant. Je vous vois soit vous trémousser sous cette idée de voir du sexe, soit sourciller en vous offusquant (ce qui me surprendrait tout de même bien que ça demeure une possibilité). Hé bien sachez que cette bd est basée sur le texte «Pardon» de Robin. Donc si ça vous excite, vous êtes les bienvenu(e)s à laisser votre marque ici (et sur le site de Robin, naturellement); si ça vous offusque, hé bien, je n'en suis nullement responsable: il faut vous adresser à Robin qui a eu, lui, cette idée perverse d'écrire son texte. Moi, il m'a tout simplement inspiré; je ne suis que le simple et humble (hum hum) dessinateur.

[Désolé pour ce coup bas, Robin... Héhé, j'affectionne la chiennerie des fois. ;-) Pour me racheter :]

En fait, non. Deux égos tels que les nôtres n'accepteront que des commentaires jouissifs. Si vous n'aimez pas, passez votre tour.

Pour conclure cette blablatrie burlesque (toujours cette insomnie que me fait écrire des conneries), après avoir créer des attentes, me voilà en train de réfréner vos ardeurs de voyeurs/voyeuses: rappelez-vous que c'est une première tentative et qu'autant la technique (vulgaire stylo-bille noir pour l'encrage et très simple coloriage numérique) que l'aspect créatif sont très sommaires... Allez, je ne vous retiens pas plus longtemps. Bonne lecture.



07 août 2005

... j'ai rajouté un peu de sel.

Pour Coïtus Impromptus. L'exigence de la semaine : le texte doit se terminer par «... j'ai rajouté un peu de sel.»

[Avertissement : Hormis le texte en italique, les propos des personnes sont soit inventés, soit romancés.]
«La vertu, purificatrice et protectrice, du sel est utilisée dans la vie courante nippone […] Placé en petits tas près de l'entrée des maisons, sur la margelle des puits, aux angles des terrains de lutte, ou sur le sol après les cérémonies funéraires, le sel a le pouvoir de purifier les lieux et les objets qui, par inadvertance, se trouveraient souillés.»
-- Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, p. 858.
Mon nom est Shuntaro Hida. Je suis médecin et j'ai 88 ans. J'étais à cinq kilomètres d'Hiroshima lorsque la bombe explosa le 6 août 1945, à 8 h 14. Dans le village où je me trouvais, le souffle apocalyptique arracha les toits, brisa les fenêtres, déchira les chaires. Par chance, je survécus. Encore sous le choc, j'enfourchai alors ma bicyclette et pédalai comme un fou jusqu'à la ville. Sur la route, je rencontrai les premières victimes qui fuyaient. Ce n'étaient plus des êtres humains, mais des monstres carbonisés. Leur peau était en lambeaux. Je me rappelle que des irradiés sautaient dans l'eau salée. Le contact avec le sel de cette chaire à vif devait être d'une douleur insupportable.

***
Mon nom est Saburo Muraoka. Je suis aujourd'hui artiste, mais en 1945, j'étais membre d'un commando dans l'armée japonaise. J'ai vu la terre brûlée d'Hiroshima peu après la bombe. En 1994, je créai «Salt Cloth», un tissu de trois mètres cinquante de haut recouvert de sel. Je me suis demandé si la vie pouvait endurer l'affranchissement de l'énergie nucléaire. Le sel me rappelle ces mers, autrefois riches en vie, brûlées par des siècles de la chaleur ; ces mers devenues déserts, comme ce jour du 6 août 1945 à Hiroshima, où la vie, en quelques secondes, fut exterminée.

***

Je me nomme Frédéric Le May. Je n'étais pas à Hiroshima en 1945, ni mon père ni ma mère n'étant même pas encore nés. Mon souvenir n'est qu'un collage d'histoires issues d'une mémoire collective, qu'un oubli volontaire d'un passé atroce et d'une négation des horreurs d'aujourd'hui. Comme les autres, par manque de mémoire, je perpétue l'erreur d'être humain.

Sur cet édifice mémoriel et cruel, afin de conserver pour toujours, putréfiés, les souvenirs de notre barbarie humaine, avec ce texte j'ai rajouté un peu de sel.

[Témoignage du docteur Hida]
[Un aperçu du « Salt Cloth » de Saburo Muraoka]

[Corr. 7/8/05 : Ajouté un élément temporel dans le récit de Muraoka afin de créer un effet de dichotomie entre la lente évolution de la nature et la transformation radicale et rapide que l'humain peut lui infliger. Cette correction ne se retrouve pas dans le texte original sur le site du Coïtus Impromptus.

06 août 2005

«Tu as un putain de gros cul !»

Bon, bon, bon. Une frivolité puisque je suis exténué (plusieurs nuits blanches d'affilées, dont la dernière consacrée à lire Gogol).

Pendant que je lisais ceci, un voisin enragé cria cela à sa blonde : «Moi, je te le dis: tu as un putain de gros cul.» Pas très gentil comme remarque... Malheureusement, je ne pourrai pas envoyer cette expression magnifique à la gueule de ma blonde puisque la dame que j'aime est joliment callipyge. Ça serait un mensonge éhonté. Zut alors.

{Concernant la lecture citée plus haut, mon préféré est «Photoblog» (je suis un inconditionnel de la photographie argentique).}

[Corr. 7/8/05 : La mention à la lecture de Gogol, superflue, créait une confusion avec l'autre lecture citée plus bas, cette dernière étant référée à nouveau dans la conclusion.]

Pierre Lapointe (écho à Catherine)

Ce matin, Catherine a exprimé ses inquiétudes quant à l'avenir musicale de Pierre Lapointe:
[...] qu'à force de renouveler, de réinventer, de repenser, il faudra bien un jour qu'il se goure. [...] Et j'espère que je n'y serai pas. Parce qu'on a envie de le suivre dans toutes ses pépiphonies. D'aimer ce qu'il fait, d'y croire avec lui. Et je crains le jour où ça me semblera mauvais et que je ne pourrai dire autrement.
Je lui ai écrit un long commentaire (trop long probablement), que je retranscris ici (avec quelques corrections).

-- * -- * -- * --

Je ne suis pas mélomane, je risque donc d'écrire au travers de mon chapeau... Je vais toutefois tenter une analogie musicale. Jean Leloup et Daniel Bélanger sont deux auteurs-compositeurs-interprètes de très grand talent qui ont connu autant du succès auprès des masses qu'auprès des critiques. Tout au long de leur carrière, ils n'ont jamais déçu (ou si peu qu'on a vite oublié). Et je sens que Pierre Lapointe est de la même trempe : il saura se renouveler et, à entendre la qualité de son premier CD ainsi que les commentaires élogieux de ceux et celles qui l'ont vu en spectacle, je pressens qu'il restera intègre dans sa démarche musicale.

Il faut souligner aussi la présence de son être dans sa musique : voilà où demeure le secret des auteurs-compositeurs-interprètes. Difficile en effet de leur imposer une image, un moule, pour les réduire qu'à de simples produits de consommation, des marchandises que l'on consomme selon une mode pour ensuite les jeter. La musique d'un auteur-compositeur-interprète est une mélodie étroitement harmonisée à une vie humaine. Elle est par conséquent évolutive suivant le chemin de vie que suit le poète musical: s'il lui arrive de faire un faux pas, c'est qu'il trébuche dans sa vie. Encore là, généralement, lorsqu'un poète de talent trébuche, il sait rendre sublime ce faux pas. Personnellement, je n'ai aucune inquiétude quant au futur musical de Pierre Lapointe ; sa sensibilité lui confère ce talent de transposer son âme avec une poésie, une voix, qui ne pourra s'altérer.

[ Je suis d'un optimisme débordant ce matin ! ]

04 août 2005

Clin d'oeil d'un bédéiste en herbe

C'est fou ce que le conditionnement informatique peut infliger au cerveau humain. Dans mes temps libres, j'essaie de dessiner une bd de la vieille façon, c'est-à-dire avec un crayon et des feuilles de papier blanc. Je trace la silhouette d'une femme, regarde le résultat et, insatisfait, je m'emploie d'effacer le tout avec ma gomme. M'arrêtant soudain, je me ravise : «c'est pas si mal en fin de compte». Et spontanément, je fais le geste pour appuyer la combinaison pomme+z (ctrl+z sur un PC). Pauvre homo computus, dans la réalité, la fonction undo n'existe pas! Ce n'est que dans ce bizarre de monde virtuel que l'on peut revenir en arrière et réparer l'irréparable. En souhaitant que je saurai refaire cette jolie silhouette féminine telle que je me l'imaginais...


{ Si on pouvait, dans notre réalité, presser un pomme+z pour annuler une connerie, ça serait catastrophique. Imaginez vivre dans un monde constamment peaufiné jusqu'à la perfection: notre réalité deviendrait rapidement insoutenable. Et quel idéal suivrions-nous? Six milliards d'humains avec six milliards d'idéaux... De quoi déclencher des guerres atroces. }

03 août 2005

Réflexions à propos de la Walter Benjamin Platz

J'ai particulièrement apprécié le dénuement relatif de cette place. Autant les architectes que les designers urbains doivent tenir compte de l'espace ainsi: combler le vide urbain tout en laissant de la place pour l'improvisation spontanée et quotidienne. Car peu importe la qualité de l'objet architectural, ce sont les humains, en se l'appropriant, qui l'utiliseront et qui lui insuffleront une véritable vie urbaine. Le rôle de l'architecte est de tracer *subtilement* les grandes lignes qui moduleront cette appropriation. Kollhoff a su bien maîtrisé ce concept pour la Walter Benjamin Platz. L'activité quotidienne qui y règne n'est pas figée dans une idée absolue qui réside dans la tête de l'architecte.
Parallèlement et globalement, on peut souligner cette différence entre les idéologies qui animèrent la construction berlinoise du début du XXe siècle (Taut, May et cie.: les grands ensembles résidentiels) et celle de la fin du même siècle (IBA): passer d'une architecture-objet, qui prend en charge toutes les facettes de la vie urbaine, à une architecture qui s'insère et qui respecte plutôt un environnement urbain déjà existant. La première est moraliste et rigide; la seconde, accompagnatrice et évolutive selon les moeurs des hommes.

Voilà en quoi la Walter Benjamin Platz m'a tant accroché l'oeil et l'objectif de mon appareil photo.

02 août 2005

Walter Benjamin Platz, Berlin

L'Ostalgie continue de frapper. Voici en photos un aperçu de la Walter Benjamin Platz, conçue par Hans Kollhoff. Pour Marie-Ève.







Pour terminer, ma signature...

01 août 2005

Vive la mariée !

Pour Coïtus Impromptus...

._._.

Sur Bellechasse, enivré de liberté, je filais le vent en vélo. Du coin de l'œil j'entraperçus la blancheur scintillante d'une longue limousine. C'est lorsqu'elle me heurta que je sentis, sous la gueule, le chatouillement d'un pompon de dentelle qui ornait avec fracas le capot. La tête enfoncée dans le pare-brise, l'œil droit sorti de l'orbite et le gauche obstrué par le sang pissant de mon front, je vis tout de même en kaléidoscope cette fastueuse mariée blanche recouverte d'éclats de verre qui sanglotait que, par mon insouciance meurtrière, j'aie ruiné son jour de mariage. Elle était si belle – comme un ange en furie avec toutes ses voiles déployées – qu'avant de crever je lui criai : « Vive la mariée !»