24 juillet 2005

Du cinéma qui rend fou

Un puissant engourdissement de l'esprit m'a enveloppé hier. Depuis plusieurs jours, je deviens volontairement anachorète, et hier en fin d'après-midi, tournant en rond dans mon quatre et demi, je perdis subitement goût de tout. La lecture, le dessin, l'écriture, le dormir, le manger et boire, le sexe, tout m'indifférait. Je suis toutefois habitué de cet état d'âme où la nostalgie de temps inexistants, d'un ailleurs inatteignable, m'empoigne l'esprit et le charcute à grands coups de souvenirs révolus. Par expérience, pour ne pas devenir fou, j'agis en état d'urgence : je sors de ma tanière, affronte la rue anarchique et ses êtres carapacés dans deux tonnes de ferrailles, et cours au centre vidéo. De 19 heure à deux heure du matin, je me suis enfilé trois films, transformant pour ces heures mon salon en véritable espace d'orgie cinématographique. Dans mon choix de films cependant, j'ai commis une erreur : j'ai loué des films qui rendent fou.
Voici la liste de ces films, dans l'ordre que je les ai visionnés:

  • Fando et Lis d'Alejandro Jodorowsky;

  • Boy meet Girl de Ray Brady;

  • J'irai comme un cheval fou de Fernado Arrabal.


  • Boy meet Girl nous amène sans détour dans l'univers du sadisme pur où se sont les femmes qui dominent. Même le Marquis de Sade, dans ses Cent-Vingt journées de Sodome, n'aurait pu imaginer certaines de ces scènes (au XVIIIe siècle, les fours à micro-ondes n'étaient pas encore inventés...) Le film en tant que tel -- outre son côté provocateur et effroyablement violent -- ne brille pas par son scénario, qui est banal et parsemé d'incohérences. Le découpage toutefois, cette façon d'intercaler des sous-titres ludiques aux différentes scènes, donnent un caractère satirique à l'ensemble. La qualité principale de ce film est probablement certaines prises de vu issues d'un esthétisme de la peur et de la violence qui donnent froid dans le dos. Nous sommes dans une pièce sombre, l'homme est solidement attaché à une chaise de dentiste et une femme, libre, est assise à ses côtés. Un moniteur télé et une simple lampe de bureau articulée sont les seules sources de lumière. Sordide... surtout lorsqu'il y a un couteau entre les deux ; sordide... surtout lorsque la femme rase l'homme avec un rasoir à l'ancienne (ça dure une éternité, et pendant une éternité, on l'imagine coupant le cou du mec, de voir une tonne de sang gicler; elle lui chuchote à l'oreille ses théories par rapport à la violence, et coupe de le poil masculin, coupe, coupe, flachhhh ! flachhhhh ! la lame coupant le poil; c'est insupportable !)

    J'irai comme un cheval fou raconte le parcours initiatique d'un homme qui, après la mort de sa mère, cherche à tout prix à se défaire de l'emprise que celle-ci exerce sur lui. Nous nageons ici à pleine brasse dans le complexe d'OEdipe vu par Arrabal. Dans un interview, le réalisateur explique que son lien avec la société est pornographique et que la vie est dans le cul. On retrouve de tout dans ce film, mais vraiment de tout : du sang, du sexe, des symboles, de l'absurde, etc. Passolini et Almodovar sont des enfants de coeur à côté de ce réalisateur. Je veux souligner cependant que ce film n'est pas pour amateurs de gore, voyeurs de basse classe ou amateurs de pornographie contemporaine. Oui, il y a du sang, de tripes, des viscères ; oui, il y a du sexe explicite et perversions sexuelles de tout acabit ; mais ce film est construit comme un poème. Il EST un poème, dur et touchant, cruel et beau, horrifiant et passionnant. Sa langue n'est pas celle du cinéma mais celle de la poésie...

    Un des plus beau poème filmique que j'ai visionné à ce jour, avec «Hiroshima mon amour» de Resnais (1959), est sûrement Fando et Lis. Jodorowsky s'est inspiré, justement, d'une pièce de théâtre d'Arrabal (réalisateur de J'irai comme un cheval fou). Lis est paralysée des jambes et Fando, son fiancé, la traîne dans un monde aux décors lunaires (et lunatiques) à la recherche de Tar, ville oubliée. Le boîtier du DVD explique :
    [...] director Alejandro Jodorowsky blended surreal beauty and savage imagery to fashion this bizarre tale of corrupted innocence, sadomasochistic love, and unattainable paradise.
    «surreal beauty and savage imagery», voilà les termes qui décrivent le mieux ce film-poème. Le travail des acteurs a dû être d'une exigeance extrême... D'une beauté folle, ce film, tourné en 1968, me confirme encore plus que notre cinéma contemporain n'arrive plus à créer de poésie, englué qu'il est dans une industrie aux effets destructeurs.

    Ces trois films que j'ai visionné dans l'espoir de repousser ma folie ne l'ont qu'accentuée. Merde alors, je devrai me tourner, la prochaine fois, vers les blockbusters afin de transformer mon cerveau en copote de matière grise inerte et motoneuse. Idem pour la lecture : je promets que je lirai bientôt Da Vinci Code, question de me conformer un peu plus. Ou peut-être irai-je simplement le voir au cinéma, comme ça, pour faire mousser ma copote cervicale...

    3 non-dit(s):

    Anonymous Anonyme non-dit ceci...

    Noté!

    14:39  
    Anonymous Anonyme non-dit ceci...

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    Anonymous Anonyme non-dit ceci...

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    19:11  

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