10 août 2005

La sorcière chagrine

Toujours pour Coïtus Impromptus.

Il était une fois un village qui s'activait hardiment pendant la saison de la moisson. On put voir aux portes de ce village, lors d'un de ces jours de fin d'été qui font violemment place à la nuit, un grand feu crépitant joyeusement. Tapies parmi les ombres immobiles formées par les villageois entourant cette ardeur, une jeune femme accompagnée d'une autre beaucoup plus âgée, toutes deux encapuchonnées, regardaient l'enfer s'ouvrir devant eux.

Quelques larmes coulèrent sur les joues de la cadette. Les narines humides, elle renifla bruyamment.

«Petite sotte ! lui chuchota avec sévérité la vieille femme en lui serrant douloureusement l'avant-bras. Tais-toi et regarde. Apprends à dissimuler tes larmes si tu veux vivre et surtout, regarde et souviens-toi !» Ses prunelles sombres, qui ne quittaient pas un instant la scène morbide, brillaient follement au contact du reflet des flammes.

La jeune femme s'essuya discrètement le nez avec le lourd tissu funèbre qui lui couvrait la tête et les épaules. Elle releva le visage et ses traits, maintenant visibles sous la candeur de l'incendie mortel et encore empreints d'une juvénile insouciance quelques instants plus tôt, se durcirent à jamais.

«N'ayez crainte, ma tante, pensa-t-elle silencieusement puisqu'elle ne devait pas parler. N'ayez crainte : je me souviendrai pour toujours de cette nuit où j'ai vu ma mère mourir sur le bûcher.»