31 juillet 2005

Mise en page #1 (scroll wheel)

Midi et demi : petite pause dans une mise en page interminable. Paganini me rend capricieux...

Mon outil de travail -- ma souris -- est épuisé. Sa scroll wheel, petite, étroite et bien rebondie, est en feu. Pour naviguer entre les 300 pages d'un mémoire et les 600 illustrations à y insérer, je la surutilise. Je pourrais emprunter des raccourcis: une combinaison de touches pour sauter ici, utiliser le menu contextuel pour forcer une image là. Cependant, je prends un plaisir sadique à faire glisser mon doigt sur sa petite roue sensible. J'utilise l'index pour la faire défiler rapidement, à un rythme presque insoutenable. En avant, en arrière, c'est selon mon humeur et mes besoins. Arrivé près d'où je veux qu'elle arrive, lorsqu'elle ne parvient plus à me suivre car surexcitée, j'arrête tout d'un coup et change de doigt. J'y appose mon majeur, plus costaud, plus maladroit. Avec la phalangine, je caresse très légèrement le sommet du bourgeon afin qu'il glisse lentement. C'est à ce moment que l'image se stabilise, que son positionnement satisfait mes exigences, et que je peux y insérer l'objet.

Midi quarant-cinq. Pause cigarette terminée, il est temps de retourner au travail. Pauvre petite ! Tu es toute refroidie... Viens, mes doigts vont te réchauffer.

30 juillet 2005

Viscères

18:00. Résigné et effroyablement irrité, je décide de lever mon corps. Je me suis étendu il y a 25 minutes avec l'espoir de quitter cette platonique réalité pendant au moins une heure et demie. Mais des bruits, DES BRUITS arrogants, agaçants, débilitants, me percèrent l'oreille au moment même où mon esprit allait plonger dans la vacuité totale. Des voisins, DES VOISINS outrecuidants se mirent à occuper tout l'espace sonore du voisinage. Avant de me lever, je restai étendu sur le matelas. Je laissai à mes viscères du temps pour former une pression rageuse, une vague meurtrière.

Les sons cessèrent. Dans le calme revenu, j'entendis au travers de la cloison la bande sonore d'un journal télévisé. Cette voix mielleuse de lectrice de nouvelles me matraquant l'imaginaire de son sourire hypocrite ; cette autre voix détachée et alccolisée d'un journaliste commentant un fait divers insignifiant ; ce thème musical tellement répété et écouté qu'il fait maintenant partie de notre patrimoine folklorique... Mes membres frissonnèrent d'abord pour ensuite s'agiter comme un enfant hyperactif que l'on bat de rage et de désespoir. Je n'ai pu retenir la bave mousseuse qui gicla de mes lèvres pour former une barbe de bouc blanche sur mon menton. Mes yeux durent se révulser car j'ai apperçu l'intérieur de ma tête. Cette vision m'horrifia. Ce que j'y ai vu alla au-delà de toutes les horreurs que me balance quotidiennement mon voisinage. Et cet enfer est en moi !

18:00. Je lève mon corps fatigué de trop d'insomnies, me traîne au salon, insère dans mes lecteurs audio tous les CD de Björk que je possède, m'assoie en m'allumant une cigarette, et entreprends lentement et cruellement à m'haïr.

Au moment de mettre sous presse, la bande sonore d'une tristement populaire station de radio anglophone et montréalaise me perce soudainement avec violence le tympan. Mes mains frétillent, le coin de ma bouche s'étire nerveusement, mes globes occulaires deviennent complètement blancs...

29 juillet 2005

L'année dernière à Munich

Il y a un an, je quittais Berlin pour Munich. Depuis, en outre d'être tombé éperdument amoureux, j'ai goûté au magnifique L'année dernière à Marienbad de Resnais (1961). Je me souviens de ce film comme étant une valse de la mémoire, un va-et-vient entre un passé possible et un présent incertain.

Dans un hôtel majestueux, un inconnu aborde une femme en jetant un doute sur ses souvenirs: ils se sont aimés, il y a un an, à Marienbad... Le lieu de cette valse amoureuse m'a rappelé Schloss Nymphenburg, à Munich, confondant à mon tour mes souvenirs possibles et mon présent incertain.

28 juillet 2005

Résolutions manquées

Je ne sais si c'est une question de génération ou de tempérament ou des deux, mais j'ai un sérieux problème avec les résolutions. Contrairement à plusieurs, pour moi, se « résoudre à » est synonyme de se « restreindre à ». C'est un signe de faiblesse, même si mon dictionnaire m'indique que résolution s'accroche à détermination. Détermination minable, oui. J'admets que mon propos s'enferme dans un cadre nietzschéen, mais tout de même, je laisse aux petites gens ce vulgaire plaisir de la résolution.
Ma patte gauche a déjà griffonné, dans un temps de désarroi social intense, une longue liste de résolutions aussi minables les unes que les autres: arrêter de fumer, cesser de me masturber aussi souvent, boire moins, écrire plus, faire de l'exercice, etc.

Arrêter de fumer: j'adore fumer, surtout lorsqu'il vient le temps d'écrire ou de dessiner. J'arrête et immanquablement je recommence lorsque je m'apprête à créer. Je m'assieds quelque part, prend le crayon et à ce moment crucial, il me manque un outil essentiel. Créer est destructeur. Je ne me conçois pas créer en santé, en compagnie de cette nouvelle idéologie bourgeoise où l'être humain se doit être sain. Non merci. Sainteté = productivité. Je suis anti-productif, voilà l'origine de ma grandeur. Je préfère alimenter une habitude totalement irrationnelle que de me plonger pieds joints dans le merveilleux monde de la rationalité. Quand je fume, je me sens vivre, car vivre est irrationnel. Si j'appliquais la même logique qui propulse le discours anti-tabac à l'ensemble de l'activité humaine, c'est bien simple: je me tuerais. Il deviendrait absurde de vivre. Avant, fumer était conventionnel donc on se devait d'arrêter. Aujourd'hui, fumer est un acte politique, anti-conformiste. Lors des prochaines élections, j'irai chercher mon bulletin de vote, je le sortirai en cachette de l'isoloir, m'installerai confortablement sur quelques marches perdues, et me roulerai une cigarette avec cette démocratie imposée qui m'a tant déçu.

Fréquence masturbatoire : rien, mais absolument rien, sauf une morale abaissante, justifie cette drôle de résolution. À bien y penser, j'aime mieux me savoir capable de me masturber deux fois par jour plutôt que de me savoir indifférent au plaisir sexuel; j'aime mieux me savoir sexué qu'asexué. Je devrai plutôt m'inquiéter lorsque je n'aurai plus d'activité sexuelle quotidienne.

L'alcool : besoin d'évasion. La condition de l'humain moderne exerce une pression insoutenable sur celui-ci. J'aime mieux me savoir alcoolique que dépendant annuel de voyages bucoliques effectués au détriment de d'autres peuples. Mon alcoolisme remplace la surconsommation de spectacles minables; mon alcoolisme me permet de surpasser l'humaine condition contemporaine. Mon alcoolisme est un spectacle avec moi-mêm. Mon alcoolisme est une gifle et un déni, mon alcoolisme est une riposte contre les avatars de ce qu'on exige de mon humanité.

L'acte d'écrire: j'écris lorsque cela est nécessaire. Point. Ni plus, ni moins. Tout ce que je peux chercher à faire est d'écrire mieux. La fréquence est illusoire.

Exercice : c'est mon degré de mouvance (ma portée) qui détermine mes activités. Je m'active en fonction de ma mouvance ; je ne dirige pas mes déplacements en fonction de mes activités. Beaucoup de gens se déplacent pour ensuite se mouvoir ; moi, je me meus en me déplaçant. Beaucoup de gens se déplacent afin de rejoindre un lieu pour s'y plaire; moi, je me déplace en me plaisant. Je marche et je me bicycle. L'absurdité moderne: le vélo stationnaire. Sa mère ? L'automobile.

Ma seule résolution vraiment valable : être intègre avec mes choix.

26 juillet 2005

Vian écumé

Avant son départ, ma belle m'a laissé en caution sa petite bibliothèque, ; la mienne, encore emboîtée, ne m'est étant utile qu'à supporter des planches qui font office de tables de travail. Parfois, en tournant en rond dans le couloir, je jette un coup d'oeil nostalgique dans sa chambre. Ses livres me crient alors de les lire.

Tentative de relecture. Citations arrachées de l'Écume des jours de Boris Vian.
Pour mes amis urbanissses :
Le souterrain était bordé des deux côtés par une rangée de volières de grandes dimensions, où les Arrangeurs Urbains entreposaient les pigeons-de-rechange pour les Squares et les Monuments.

À méditer :
Ce qui m'intéresse, ce n'est pas le bonheur de tous les hommes, c'est celui de chacun.

Notée car je suis un homme sensible au charme des femmes :
Chloé avait passé ses bas, fins comme une fumée d'encens, de la couleur de sa peau blonde et ses souliers hauts de cuir blanc. Pour tout le reste, elle était nue, sauf un lourd bracelet d'or bleu qui faisait paraître encore plus fragile son poignet délicat.

Les phrases-clé du roman :
À l'endroit où les fleuves se jettent dans la mer il se forme une barre difficile à franchir et de grands remous écumeux où dansent les épaves. Entre la nuit du dehors et la lumière de la lampe, les souvenirs refluaient de l'obscurité, se heurtaient à la clarté et, tantôt immergés, tantôt apparents, montraient leurs ventres blancs et leurs dos argentés.

Haine hasardeuse


In the Backseat d'Arcade Fire. Je l'ai dans les oreilles et c'est jouissif.

*_*_*

Écriture automatique. Haine hasardeuse. Voir la suite --> [plus...]
Par hasard, comme ça, j'ai dû tuer un homme
Je lui ai arraché les yeux
Même si je ne le voulais pas
C'est le hasard
Ce sont des choses qui arrivent

Comme ça, par hasard

D'une rencontre fortuite
Et sans m'y attendre
Me voilà sortant des tripes
d'un immense ventre
Que je me suis mis à haïr

C'est le hasard d'une fuite

Son regard me l'a dit
Avant que je le tue :
«Dans deux minutes
Tu me tueras»
Et moi qui ne le croyais pas

Drôle de hasard

C'est quand j'ai eu
La bouche barbouillée de son sang
J'ai su que
Même le plus sain des hasards
Tue et bouffe

Le hasard impromptu.

24 juillet 2005

Du cinéma qui rend fou

Un puissant engourdissement de l'esprit m'a enveloppé hier. Depuis plusieurs jours, je deviens volontairement anachorète, et hier en fin d'après-midi, tournant en rond dans mon quatre et demi, je perdis subitement goût de tout. La lecture, le dessin, l'écriture, le dormir, le manger et boire, le sexe, tout m'indifférait. Je suis toutefois habitué de cet état d'âme où la nostalgie de temps inexistants, d'un ailleurs inatteignable, m'empoigne l'esprit et le charcute à grands coups de souvenirs révolus. Par expérience, pour ne pas devenir fou, j'agis en état d'urgence : je sors de ma tanière, affronte la rue anarchique et ses êtres carapacés dans deux tonnes de ferrailles, et cours au centre vidéo. De 19 heure à deux heure du matin, je me suis enfilé trois films, transformant pour ces heures mon salon en véritable espace d'orgie cinématographique. Dans mon choix de films cependant, j'ai commis une erreur : j'ai loué des films qui rendent fou.
Voici la liste de ces films, dans l'ordre que je les ai visionnés:

  • Fando et Lis d'Alejandro Jodorowsky;

  • Boy meet Girl de Ray Brady;

  • J'irai comme un cheval fou de Fernado Arrabal.


  • Boy meet Girl nous amène sans détour dans l'univers du sadisme pur où se sont les femmes qui dominent. Même le Marquis de Sade, dans ses Cent-Vingt journées de Sodome, n'aurait pu imaginer certaines de ces scènes (au XVIIIe siècle, les fours à micro-ondes n'étaient pas encore inventés...) Le film en tant que tel -- outre son côté provocateur et effroyablement violent -- ne brille pas par son scénario, qui est banal et parsemé d'incohérences. Le découpage toutefois, cette façon d'intercaler des sous-titres ludiques aux différentes scènes, donnent un caractère satirique à l'ensemble. La qualité principale de ce film est probablement certaines prises de vu issues d'un esthétisme de la peur et de la violence qui donnent froid dans le dos. Nous sommes dans une pièce sombre, l'homme est solidement attaché à une chaise de dentiste et une femme, libre, est assise à ses côtés. Un moniteur télé et une simple lampe de bureau articulée sont les seules sources de lumière. Sordide... surtout lorsqu'il y a un couteau entre les deux ; sordide... surtout lorsque la femme rase l'homme avec un rasoir à l'ancienne (ça dure une éternité, et pendant une éternité, on l'imagine coupant le cou du mec, de voir une tonne de sang gicler; elle lui chuchote à l'oreille ses théories par rapport à la violence, et coupe de le poil masculin, coupe, coupe, flachhhh ! flachhhhh ! la lame coupant le poil; c'est insupportable !)

    J'irai comme un cheval fou raconte le parcours initiatique d'un homme qui, après la mort de sa mère, cherche à tout prix à se défaire de l'emprise que celle-ci exerce sur lui. Nous nageons ici à pleine brasse dans le complexe d'OEdipe vu par Arrabal. Dans un interview, le réalisateur explique que son lien avec la société est pornographique et que la vie est dans le cul. On retrouve de tout dans ce film, mais vraiment de tout : du sang, du sexe, des symboles, de l'absurde, etc. Passolini et Almodovar sont des enfants de coeur à côté de ce réalisateur. Je veux souligner cependant que ce film n'est pas pour amateurs de gore, voyeurs de basse classe ou amateurs de pornographie contemporaine. Oui, il y a du sang, de tripes, des viscères ; oui, il y a du sexe explicite et perversions sexuelles de tout acabit ; mais ce film est construit comme un poème. Il EST un poème, dur et touchant, cruel et beau, horrifiant et passionnant. Sa langue n'est pas celle du cinéma mais celle de la poésie...

    Un des plus beau poème filmique que j'ai visionné à ce jour, avec «Hiroshima mon amour» de Resnais (1959), est sûrement Fando et Lis. Jodorowsky s'est inspiré, justement, d'une pièce de théâtre d'Arrabal (réalisateur de J'irai comme un cheval fou). Lis est paralysée des jambes et Fando, son fiancé, la traîne dans un monde aux décors lunaires (et lunatiques) à la recherche de Tar, ville oubliée. Le boîtier du DVD explique :
    [...] director Alejandro Jodorowsky blended surreal beauty and savage imagery to fashion this bizarre tale of corrupted innocence, sadomasochistic love, and unattainable paradise.
    «surreal beauty and savage imagery», voilà les termes qui décrivent le mieux ce film-poème. Le travail des acteurs a dû être d'une exigeance extrême... D'une beauté folle, ce film, tourné en 1968, me confirme encore plus que notre cinéma contemporain n'arrive plus à créer de poésie, englué qu'il est dans une industrie aux effets destructeurs.

    Ces trois films que j'ai visionné dans l'espoir de repousser ma folie ne l'ont qu'accentuée. Merde alors, je devrai me tourner, la prochaine fois, vers les blockbusters afin de transformer mon cerveau en copote de matière grise inerte et motoneuse. Idem pour la lecture : je promets que je lirai bientôt Da Vinci Code, question de me conformer un peu plus. Ou peut-être irai-je simplement le voir au cinéma, comme ça, pour faire mousser ma copote cervicale...

    23 juillet 2005

    Tentative de coïte : Alice au pays des miroirs

    Puisque mes muses carnetières (Catherine et Anne Archet) coïtent sans vergogne aucune, elles m'ont inspiré et je tente l'expérience. Voici mon texte pour le dernier thème : Alice au pays des miroirs.

    Alice au pays des miroirs

    «[…]
    Quelle idée de peindre une pomme
    Dit Picasso
    Et Picasso mange la pomme
    Et la pomme lui dit Merci
    Et Picasso casse l'assiette
    Et s'en va en souriant
    Et le peintre arraché à ses songes
    Comme une dent
    Se retrouve tout seul devant sa toile inachevée
    Avec au beau milieu de sa vaisselle brisée
    Les terrifiants pépins de la réalité.»


    Jacques Prévert, « Promenade de Picasso »

    Dans un espace sans temps gisent des objets réfléchissants, de forme conique, cubique, concave, convexe, sphérique, polymorphique, polémique et encore plusieurs autres. Il n'y a qu'eux, le blanc de l'espace, les images réfléchies ainsi qu'Alice. Alice, les lèvres en o, s'extasie, en courant de l'une à l'autre de ces formes, de voir ces mille elles, de voir toutes ces Alice possibles : ici, elle est belle, grande, mince ; là, petite, grosse et laide ; plus loin, sans lumière et maladive par un miroir dépoli ; là-bas, la peau saintement illuminée par un verre dur. L'horreur de l'erreur conique, où de la pointe qui perce son cœur s'éclate son être comme un globe terrestre que l'on forcerait d'aplanir, la fait rapidement pivoter de dégoût, pour ne pas voir. Elle se duplique à l'infini au travers de cette orgie miroitante, infini amplifié par des images pénétrées d'images, multipliant, par cette ingérence des différentes elles, les réalités possibles.

    Parmi ces miroirs, elle en trouva un qui la rendit tel qu'elle voudrait être. Sans pouvoir se l'expliquer, en se mirant dans cette surface particulière, elle sentit un amour inconditionnel affubler son être. Elle frissonna de la naissance de ce désir, de ce désir inconnu pour la jeune femme qu'elle mirait. Alice dit alors impulsivement, tendant un doigt autoritaire vers le miroir : « voici qui je veux être. » Tous les miroirs, sauf celui pointé, disparurent soudainement. L'espace, faute d'images, s'obscurcit. Elle regarda à nouveau l'image ainsi figée pour toujours et une grande déception l'accapara : ce n'est qu'elle, sans artifice. L'image miroitée lui présente sa moue habituelle. Son petit visage se décomposa, plein d'amertume. Elle découvre que le miroir choisi n'est qu'un vulgaire miroir plat, que c'était le reflet infini des autres images, des autres réalités possibles, qui contribuèrent à l'embellir, à la rendre entière. Parce qu'elle s'est naïvement laissée piéger au jeux pervers du pays des miroirs, elle doit maintenant affronter la terrifiante image de la réalité.

    20 juillet 2005

    Un Wal-Mart écologiquement responsable ?

    En tant qu'humain, on s'habitue à en entendre des vertes et des pas mûres. Mais là, je viens de lire une nouvelle sur le site de Bird to the North qui m'a jeté en bas de ma chaise. Faut croire que je ne suis pas encore assez habitué à la comédie [connerie] humaine. Wal-Mart construira un magasin dans une optique de développement durable! Oui, vous m'avez bien lu. Je me suis demandé comment ils vont y arriver, question totalement légitime. Concevront-ils un plus petit magasin, situé dans un pôle urbain dense, facilement accessible aux piétons ? Meuh non ! En lisant le reste de l'article, on découvre que c'est seulement le choix des matériaux et des méthodes de construction qui feront du nouveau magasin un bâtiment écologiquement soutenable. Déception...

    Pffff... quelle connerie. Et le pire est que les bien-pensants en seront bien contents ; ils se féliciteront et se congratuleront de cette belle iniative écologique. C'est comme le recyclage : on fait un pas microscopique en avant pour nous donner bonne conscience, pas qui, en fin de compte, nous fait reculer d'un bond en arrière (je recycle donc je peux consommer plus). Nos beaux petits consommateurs pourront toujours s'y rendre en voiture l'esprit tranquille, toujours y dilaper leur argent comme des fous furieux puisque «c'est le prix le plus bas» (idéologie qui stipule que le bonheur est directement proportionnel au pouvoir d'achat), et remplir leur machine à polluer de marchandises qu'ils rapporteront dans leur belle petite maison de banlieue. Je prédis que cette nouvelle approche marketing permettra d'augmenter encore plus l'intensité de consommation car elle enlèvera les derniers scrupules moraux aux consommateurs crédules.

    Le terrorisme selon Omar Aktouf

    Le Devoir a publié une lettre d'Omar Aktouf intitulée «Non, le Canada n'a rien à craindre du "terrorisme international"! Si...» Voilà enfin un regard intelligent, humain et empreint de clairvoyance sur le terrorisme. J'adhère à l'ensemble des arguments de l'auteur, à chacun de ses mots, à chacune de ses thèses. J'espère que ce texte, si bien écrit par ailleurs, inspirera l'opinion du lectorat du Devoir, si ce n'est celle de l'ensemble des Québécois et Québécoises.

    16 juillet 2005

    Chroniques gatinoises : L'indiscipline des piétons et des cyclistes (première partie)

    Essai en trois temps sur l'idéologie routière. [1, 2, 3]

    Ce texte est inspiré d'un débat qui fit rage entre une personne qui m'est proche et moi-même, lors de mon récent séjour à Gatineau -- spécifiions ici que la ville du débat est révélatrice du contenu puisque Gatineau est complètement subjuguée par l'idéologie du transport motorisé en solo (mais accordons qu'un effort est entrepris pour diminuer le taux de motorisation).

    La question centrale tournait autour du partage de la route entre piétons, cyclistes et automobilistes. Le débat, très animé, a pris naissance lorsque mon interlocuteur, automobiliste convaincu, s'est exclamé : «si les piétons et les cyclistes veulent utiliser nos rues, qu'ils respectent le code de la route!» Le sujet est d'autant plus d'actualité, et impliquant un environnement urbain moins motorisé (Montréal), depuis que la coroner chargée de l'enquête a statué récemment que la cause des décès de deux piétons survenus en 2001 et 2002, happés par un autobus sur la voie réservée du boulevard Pie-IX, est attribuable à l'indiscipline des victimes.

    I - Question de coûts : les propriétaires de la route


    Comme je m'y attendais, mon interlocuteur m'a présenté dès le début du débat un argument solidement ancré dans la pensée des usagers de la route (autant chez les automobilistes que chez les piétons) mais qui se révèle n'être qu'un lieu commun sans fondement : la route appartient aux automobilistes, particulièrement l'emprise bitumée. Ce paralogisme universellement répandu chez les automobilistes s'explique aisément par les coûts astronomiques engendrés par la possession d'un véhicule motorisé : plus de 6000 $CAN par année ! [CAA, 2005]. À ce prix-là, la route doit nécessairement leur appartenir ! Faux. En ce qui concerne les piétons, vu l'espace principalement réservé à la circulation motorisée, il est évident que ceux-ci conçoivent leur présence comme n'étant que marginale sur les routes, donc celles-ci leur semblent appartenir aux automobilistes.

    Les automobilistes ont torts de penser que la route leur appartient. L'ensemble de l'infrastructure routière du Québec est financé par les différents paliers gouvernementaux, ce qui en fait une propriété publique financée par tous. Dans l'étude citée plus haut de la CAA sur le coût d'utilisation d'une automobile, le calcul se compose des coûts d'assurances, de permis de conduire et d'immatriculation, de dépréciation, du financement, de carburant, d'entretien (du véhicule) et de pneus. Il n'est nullement question de coûts d'entretien et de construction de bitume. D'autre part, pour 2005-2006, le gouvernement du Québec prévoit injecter 1,3 milliard $CAN dans l'infrastructure routière. Ceci en très grande partie pour le réseau routier supérieur (autoroutes et routes provinciales). La voirie locale est financée de son côté par les municipalités. Par exemple, la Ville de Montréal réserve,pour 2005, 324 millions $CAN au le réseau routier. Donc en se qui a trait à la question de propriété, les automobilistes n'ont aucun droit de revendiquer une possession exclusive du réseau routier québécois. Jusqu'au moment où nous verrons apparaître une autoroute privée au Québec, nos routes appartiennent à tous, et non pas aux seuls automobilistes.

    Ce qui m'amène à penser (en fait, j'ai préalablement lu cette réflexion quelque part mais je n'arrive pas à retrouver la référence) que les automobilistes sont directement financés par l'état, qu'ils sont gagnants des transferts de la richesse et du financement collectifs du réseau routier, et qu'enfin, les coûts associés à leur choix de déplacement seraient plus élevés si le système fonctionnait selon le principe d'utilisateur-payeur. Par exemple, les coûts reliés à l'entretien des ponts Jacques-Cartier et Champlain à Montréal reviennent en moyenne à 0,70 $CAN par passage de véhicule motorisé (petit calcul personnel issu des données de la PJCCI). Pour un citoyen habitant la Rive-Sud et travaillant sur l'île de Montréal, et disposant de quatre semaines de vacance par année, il lui en coûterait 336 $CAN / an pour continuer ce mouvement pendulaire écologiquement irresponsable, présentement financé par l'ensemble des contribuables.

    Certes, tout citoyen utilise indirectement le réseau du routier si nous tenons compte du transport de marchandises. Or, toujours selon le concept d'utilisateur-payeur, les coûts reliés à ce type de transport se transféreraient tout simplement de nos taxes au prix de la marchandise, reflétant ainsi le coût réel du transport. De ce fait, autant les consommateurs que les manufacturiers seraient alors tentés par des moyens de transport rationnellement plus économiques et plus écologiques, quitte à sacrifier quelque peu l'ultra-mobilité qu'apportent les véhicules individuels (autant pour le transport des individus que pour celui de la marchandise). Cela incitera en plus les consommateurs à acheter des produits locaux (donc écologiquement plus responsable, voir le Non-loin du 3N-J) plutôt que des produits importés puisque les premiers seront théoriquement moins chers (du moins en ce qui concerne les coûts de transport; la question de la diminution des coûts due à la délocalisation de la production est un autre sujet que je n'aborderai pas ici).

    ***

    II - Question de coups : l'assurance automobile. (à venir)

    III - Question de sécurité : un code pour policer les transports. (à venir)

    12 juillet 2005

    Comment ne pas être fataliste ???

    Je viens de m'inscrire au fil rss de Radio-Canada | Le Monde. Proportion de nouvelles au ton déprimant : 5 sur 5 !

  • Israël: un attentat à la bombe fait au moins trois morts près de Tel Aviv
  • Attentats de Londres: Scotland Yard progresse dans son enquête
  • L'assassin du cinéaste Theo Van Gogh avoue son crime
  • Explosion à Beyrouth: au moins 2 morts et 9 blessés...
  • Une cinquième tempête tropicale se forme au milieu de l'Atlantique.
  • Mort d'un philosophe

    Merci à Louis Cornellier pour son hommage dans Le Devoir au philosophe Laurent-Michel Vacher, décédé cette semaine :
    Le Québec, aujourd'hui, est en deuil du plus audacieux de ses philosophes; il ne nous reste plus qu'à espérer, désormais, qu'il retiendra au moins quelques-unes des leçons de ce dernier.
    Comment résister à la tentation de découvrir ou de redécouvrir ce philosophe, qui se définissait -- selon Cornellier -- comme un
    «fils du peuple» qui refusait de se faire complice du «parfum discret d'un aristocratisme, d'un élitisme, d'une pédanterie, d'une préciosité ou d'un snobisme» qu'il flairait dans la grande culture philosophique «occidentale-bourgeoise-moderne» ?

    Le professeur-philosophe contestait (et je cite encore Cornellier) «l'approche historico-herméneutique qui consiste à potasser les textes des grands auteurs à l'heure de philosopher en classe.»

    Selon lui, cette approche entretenait essentiellement le culte des grands textes et des personnalités d'exception au détriment des idées, théories et arguments, et elle réduisait le geste philosophique à «l'apprentissage mécanique de simples faits culturels symboliquement chargés d'un fort coefficient de distinction».
    Je vous invite à réfléchir sur les mots entre les derniers guillemets. Souhaitons que l'enseignement philosphique de cet homme se réflètera dans celui -- de très piètre qualité et je peux l'affirmer par expérience -- qui règne présentement dans les CÉGEP québécois.